Localisée à l'ouest du Périgord entre deux rivières, la Rizonne, affluent de la Dronne, au nord et l'Isle au sud, la Double est une région forestière aux formes douces, parcourue par de nombreux ruisseaux et parsemée de nombreux étangs. Comparée parfois à la Sologne, elle présente les mêmes sols argilo-sablonneux. Terre de refuge, devenue inhospitalière et même hostile après une exploitation sylvicole systématique, la Double présente aujourd'hui un paysage très particulier et un habitat rural traditionnel spécifique.

 

Située sur quatre cantons de Dordogne et un canton Girondin, c'est un endroit atypique situé à cheval sur le Périgord vert et ses paysages vallonnés et le Périgord blanc et ses plateaux calcaires. La forêt de la Double est un mélange de feuillus et de pins maritimes, d'étangs et de petits cours d'eau qui lui confèrent un grande diversité. C'est un pays argileux, humide et largement boisé, qui a longtemps été marécageux.

 

La faune

Les étangs de la Double, dont le plus grand et le plus visité est l'étang de La Jemaye, sont peuplés par les carpes, les brèmes, les brochets, les gardons et autres perches, mais également plusieurs espèces de tortues dont la « Cistude d'Europe », espèce protégée au niveau Européen. Plus d'infos sur www.cistude.org.

Cette forêt est également un paradis pour les ornithologues, en effet un grand nombre d'oiseaux vit aussi dans la Double : grèbe huppé ou castagneux, héron cendré, butor étoilé, coucou gris, pic vert, pic noir, colverts, bécasse des bois, sarcelles d'hiver, rousserolle effarvatte, et aussi de nombreux rapaces, tels la chouette hulotte, l'épervier d'Europe, le busard des roseaux, la bondrée apivore, le milan noir et l'autour des palombes.

Les grands mammifères sont surtout représentés par les cerfs, les chevreuils et les sangliers mais on trouve également de petits mammifères tels que l'écureuil ou le très rare vison d'Europe, petit carnivore semi-aquatique de la famille des mustélidés classé par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) dans la catégorie des espèces hexagonales en danger critique d’extinction.

Héron cendré

Cistude ©Matthieu Berroneau

Sanglier

Cerf élaphe

Grèbe huppé

 
 

Un milieu forestier humide

La Double a un relief aux formes molles d'une centaine de mètres d'altitude, aux versants modelés dans un matériel tendre de sédiments détritiques descendus du Massif Central à l'ère tertiaire, sables, argiles et graviers, accumulés sur les calcaires de l'ère secondaire. Sur les terrains imperméables, où les pentes sont faibles, le drainage se fait mal. De très nombreux petits ruisseaux alimentés par de faibles sources, vont d'étangs en étangs et font de la Double une zone humide. Eugène Le Roy dans « I'Ennemi de la Mort », cite « ces étangs aux queues interminables, les nauves, où pourrissaient les végétaux aquatiques des marais [...] et d'où s'élevaient des vapeurs pestilentielles qui s'épandaient sur le pays sauvage et solitaire ». Les précipitations, un quart supérieures dans la Double (800 mm), que dans les régions périphériques proches et la présence des sols argileux, expliquent que cette région soit depuis toujours le domaine de l'arbre. Les sols acides de faible valeur culturale portent aujourd'hui essentiellement des futaies de pins, rarement mélangées à des taillis de chênes et de châtaigniers. Les sous-bois touffus se composent d'ajoncs, de fougères et de genêts.

 
 
 

Un pays refuge, colonisé tardivement

En raison de son important couvert forestier, la Double a de tout temps eu une vocation de refuge naturel. Repaire pour les bandits, refuge pour les fuyards et les bêtes sauvages, elle abrite les restes de l'armée sarrasine, défaite par Charles Martel en 732 à Poitiers. Le duc d'Aquitaine Waïffre, en révolte contre son suzerain et roi Pépin le Bref, trouve abri avec ses hommes dans la Double, avant d'y être assassiné en 768. Plus proche de nous, en mars 1944, les Allemands mettent le feu à la forêt, desséchée par l'hiver pour lutter contre le Maquis. Tardivement colonisé, la Double a longtemps vécu repliée sur elle-même. A partir du Xlème siècle, plusieurs vagues de colonisation vont se succéder sous l'action de communautés religieuses. D'abord fragiles, les conquêtes agricoles s'accélèrent aux Temps Modernes qui correspond à une période apparemment bénéfique. La Double est alors qualifiée de "beau et fertile pays" et abrite une population plus nombreuse qu'aujourd'hui (par exemple au recensement de 1872, la Jemaye comptait 402 habitants contre 103 actuellement).

 

insalubre à l’aube du XIXe siècle

Dans la seconde moitié du XVIIIème siècle, un processus de dégradation va transformer la nature doubleaude en terre de pauvreté et insalubre. En l'espace de quelques décennies, d'importantes surfaces sont déboisées. C'est l'époque où les paysans se lancent sans mesure dans la fabrication du charbon de bois. Les belles forêts de chênes séculaires sont coupées de manière systématiques pour alimenter les chantiers navals de la Marine Royale. En outre, pour faciliter le pacage des troupeaux, on brûle la forêt... Une lande stérile qui n'absorbe plus les eaux de pluie, se substitue à la forêt de feuillus. La Double devient une région de marécages, propice au développement des fièvres qui, ajoutées à la malnutrition, déciment la population. Dans la première moitié du XIXème siècle, la Double est présentée comme une terre de désolation, de misère et d'immigration. Onésime Reclus évoque "un peuple hâve de charbonniers et de maraudeurs, cette race chétive et fiévreuse dont les uns mènent à des prés mouillés par des sentiers de glaise, de maigres moutons glacés d'épouvante par les hurlements des loups". Eugène Le Roy dans « l'Ennemi de la mort » décrit le combat d'un jeune médecin progressiste contre cette misère physique et morale qui frappe toute la population de la Double « une indicible mélancolie se dégageait de cette région désolée... devenue le royaume des fièvres ».

 
 
 

L’architecture de la Double

La Double présente un habitat particulier. La maison doubleaude est bâtie de bois, de terre et de pierre, matériaux disponibles sur place. La pierre est réservée aux façades et encore, dans les demeures les plus riches. Les bâtiments à colombage et torchis sont entourés d'une galerie extérieure en bois, le « balet », et coiffés d'une toiture à deux pans couverte en tuiles canal. Une ou deux pièces pour l'habitation, une grange et un four constituent l'essentiel des fermes.

Celle du Parcot, près d'Echourgnac, inscrite en 1992 à l'Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques, résume à elle seule l'architecture de la Double.

Région aux sols argileux, humide et boisée, ne recélant pas de carrières de pierres, la Double a généré un habitat pauvre et fragile, où la pierre n'est qu'exceptionnellement employée dans les bâtisses les plus prospères. Néanmoins, l'harmonieuse simplicité de cette architecture, parfaitement intégrée dans un paysage sans cesse modelé, traduit la relation étroite entre l'homme et son environnement.